L’expo du musée d’Orsay offre une réponse aussi précise qu’évocatrice à la question qui hante tous les étudiants en histoire de l’art italophiles (et les autres j’espère !) : « Mais que voyaient précisément les artistes qui faisaient le Grand Tour ? ». Car Rome a beau être surnommée la Ville éternelle, sa physionomie et son atmosphère ont bien changé au cours des siècles. Malheureusement ou heureusement, c’est selon, la photographie ne peut nous répondre que pour la seconde moitié du XIXème siècle. Encore constate-t-on que dès qu’elle s’écarte des sérieuses vues architecturales ou du reportage sur le vif (éruption de l’Etna), la photo reprend l’imagerie développée par les peintres.
L’expo nous permet donc de mieux connaître non pas l’Italie du XIXème siècle, mais la vision qu’en avaient les voyageurs, artistes, photographes ou simples curieux aventureux qui la parcoururent à cette époque. Les photo de la population sont particulièrement éclairantes sur ce point : on déguise un jeune berger en satyre, un autre en Hermaphrodite, tandis que les briganti et autres musiciens sont payés quelques sous pour tenir des poses considérées comme typiques. Photographie et peinture se font plus discrètes sur le combat qui secoue l’Italie contemporaine, et qui aboutira à son unification finale en 1871.
Peu sensibles aux troubles politiques de la péninsule, les peintres laissent d’incroyables tableaux de ciels et de lumière dans un pays qu’ils voient immuable comme l’antique. La pochade de Corot des jardins de la Villa Médicis, l’ample vue de ciel sur les toits romains de Valenciennes témoignent de cette libération de l’œil et de la main, de cette vitalité de la touche concentrée sur les aspects les plus essentiels du paysage, réduit à sa plus simple expression : la jaune lumière du sud qui unifie le temps et l’espace, fait ressembler les gamines pouilleuses de Naples aux canéphores antiques.
Enfin, ici ou là on découvre des cadeaux imprévus : ce sont des détails auxquels le photographe n’a pas prêtés attention, les jugeant anodins. Ce sont des punctum* précieux pour nous, qui détournent notre regard du pittoresque et du grandiose. Ces détails, ce sont par exemple des draps mis à sécher sur la rambarde devant le temple de Vesta à Tivoli, ou le long des barrières qui guident le chemin du visiteur sur le Forum. Ce sont les files de voiliers le long de la Riva degli Schiavoni, dans une Venise curieusement décrépite.
Ces détails, par le quotidien révolu qu’ils évoquent, ancrent les monuments impassibles dans l’écoulement du temps, conférant à ces images un air mélancolique, qui prolonge en le renouvelant le mythe de l’Italie.
* Au sens où l’emploie R. Barthes dans La chambre claire : « ce n’est pas moi qui vais le chercher (…) c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer.» En simplifiant, on peut dire que le punctum est le second thème d’une photo, qui vient déranger le thème général.
L’expo nous permet donc de mieux connaître non pas l’Italie du XIXème siècle, mais la vision qu’en avaient les voyageurs, artistes, photographes ou simples curieux aventureux qui la parcoururent à cette époque. Les photo de la population sont particulièrement éclairantes sur ce point : on déguise un jeune berger en satyre, un autre en Hermaphrodite, tandis que les briganti et autres musiciens sont payés quelques sous pour tenir des poses considérées comme typiques. Photographie et peinture se font plus discrètes sur le combat qui secoue l’Italie contemporaine, et qui aboutira à son unification finale en 1871.
Peu sensibles aux troubles politiques de la péninsule, les peintres laissent d’incroyables tableaux de ciels et de lumière dans un pays qu’ils voient immuable comme l’antique. La pochade de Corot des jardins de la Villa Médicis, l’ample vue de ciel sur les toits romains de Valenciennes témoignent de cette libération de l’œil et de la main, de cette vitalité de la touche concentrée sur les aspects les plus essentiels du paysage, réduit à sa plus simple expression : la jaune lumière du sud qui unifie le temps et l’espace, fait ressembler les gamines pouilleuses de Naples aux canéphores antiques.
Enfin, ici ou là on découvre des cadeaux imprévus : ce sont des détails auxquels le photographe n’a pas prêtés attention, les jugeant anodins. Ce sont des punctum* précieux pour nous, qui détournent notre regard du pittoresque et du grandiose. Ces détails, ce sont par exemple des draps mis à sécher sur la rambarde devant le temple de Vesta à Tivoli, ou le long des barrières qui guident le chemin du visiteur sur le Forum. Ce sont les files de voiliers le long de la Riva degli Schiavoni, dans une Venise curieusement décrépite.
Ces détails, par le quotidien révolu qu’ils évoquent, ancrent les monuments impassibles dans l’écoulement du temps, conférant à ces images un air mélancolique, qui prolonge en le renouvelant le mythe de l’Italie.
* Au sens où l’emploie R. Barthes dans La chambre claire : « ce n’est pas moi qui vais le chercher (…) c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer.» En simplifiant, on peut dire que le punctum est le second thème d’une photo, qui vient déranger le thème général.