Tempête à La Goulette, Bordeaux, musée des Beaux -Arts.
copyright musée des Beaux-arts, Bordeaux/ Lysiane Gauthier.
« Albert Marquet. Itinéraires maritimes », Musée National de la Marine. Jusqu’au 2 Février 2009.
Pourquoi ? Parce que la dernière fois que vous êtes allés au Musée de la Marine c’était pour l’exposition universelle de 1937, quand le palais de Chaillot –où le dit musée a élu domicile- a été inauguré. Parce que ça change de ne pas faire la queue une demi-heure dans le froid avant de pénétrer dans le saint des saints. Et avant tout parce que l’exposition vaut le détour, et que le musée, qui mérite une visite à lui tout seul, plonge tout de suite dans l’ambiance maritime.
Jugez plutôt : une longue galerie où maquettes de navires, canons verdis et marines au soleil couchant se répondent. Puis des géants de bois surgissant dans une demi pénombre, des sirènes dorées dont un vent imaginaire gonfle les drapés, des tritons soufflant dans leur conque à pleins poumons, des rois sculptés à mi-corps, qui contemplent pour toujours l’horizon d’un œil sévère et conquérant. En un mot, des figures de proue et de poupe que l’on a rarement l’occasion d’admirer dans les musées des Beaux Arts. Celles du Musée de la Marine, d’un baroque exubérant, sont en cela bien différentes des toiles d’Albert Marquet (1875-1947).
Le peintre de l’eau vivante, qui ne cessa de voyager, de la Norvège au Maghreb, avait pour seul objectif de planter son chevalet près d’un quai ou d’une jetée, pour capturer dans la fugacité de l’instant ce qui renouvelle indéfiniment l’immuable bord de mer. Dans ses toiles, les êtres humains ne sont représentés que par quelques signes noirs, tracés du bout du pinceau au premier plan.
Fauve structuré, il accorde dès ses débuts une grande attention à la manière dont il construit sa composition, ne cédant jamais à la tentation de la couleur pour la couleur. Une fois refermée la porte du salon de 1905, Marquet demeurera loin du tumulte des avant-gardes et de la guerre (il est réformé en 1914). Il conservera jusqu’ à la fin de sa vie un style très personnel, fait de clarté et d’imprécision, avec des plans nettement délimités par une touche elliptique qui ne s’encombre pas de détails. Les marines de Marquet ne sont pas bavardes.
Outre les fameuses vues de port, où les navires amarrés cassent par leurs mâts dressés la succession horizontale des plans, Marquet a régulièrement recours à des compositions en forme de pince ou de virgule, qui lui permettent de donner une forme à l’infini contenant qu’est l’océan. Dans Venise, la voile jaune (1936), il accompagne l’incurvation du Canal de la Giudecca par la progression de trois voiliers, à l’identique voile d’or, répétition du même qui crée l’illusion du mouvement au sein de la toile. Dans La baie d’Alger (1923), c’est la langue de terre qui devient méandre, séparant les flots en deux plans, le premier étant laissé en réserve, exhibant le beige de la toile nue, simplement apprêtée, dont couleur d’eau boueuse s’accordait parfaitement à la représentation d’un jour d’orage.
Tempête à la Goulette (1926), fait en revanche appel à un jeu de diagonales contraires s’entrechoquant dans le premier tiers du tableau. Les vagues moutonneuses se heurtent à la frêle digue, dont s’éloigne un passant minuscule. Marquet exploite ici la puissance d’évocation des signes : les croissants d’eau sur la grève sont chassés de la gauche vers la droite, répondant aux rouleaux allongés et aux nuages qui roulent dans le ciel. La chaîne de montagnes bleutées au fond de la toile semble un hommage aux Cent vues du mont Fuji d’Hokusai.
Marquet était tout sauf un touriste. Rouen, Porquerolles, Hambourg deviennent des destinations anonymes, parfois difficiles à identifier. A Venise, le petit tableau qu’il peint depuis l’île San Giorgio Maggiore le montre bien : le cœur symbolique de la cité, que forment le palais des doges, le campanile et la bibliothèque marciana, semble vu à travers une lucarne. Le premier plan est occupé par la belle eau verte de la lagune, dans laquelle plongent deux murs qui guident malgré tout l’attention du spectateur vers la piazza San Marco. Mais Marquet a choisi d’accorder la primauté au reflet de ce mur dans l’eau, qui semble le prolonger à l’identique. Une belle façon de suggérer le caractère amphibie de la cité.
L’exposition présente également des aquarelles, conçues comme des œuvres à part entière plutôt que comme des études préparatoires. Les dessins de Marquet, à la plume et encre de chine ou roseau, dont plusieurs autoportraits pleins d’humour, illustrent, s’il en était encore besoin, ses grandes capacités de synthèse.
Jugez plutôt : une longue galerie où maquettes de navires, canons verdis et marines au soleil couchant se répondent. Puis des géants de bois surgissant dans une demi pénombre, des sirènes dorées dont un vent imaginaire gonfle les drapés, des tritons soufflant dans leur conque à pleins poumons, des rois sculptés à mi-corps, qui contemplent pour toujours l’horizon d’un œil sévère et conquérant. En un mot, des figures de proue et de poupe que l’on a rarement l’occasion d’admirer dans les musées des Beaux Arts. Celles du Musée de la Marine, d’un baroque exubérant, sont en cela bien différentes des toiles d’Albert Marquet (1875-1947).
Le peintre de l’eau vivante, qui ne cessa de voyager, de la Norvège au Maghreb, avait pour seul objectif de planter son chevalet près d’un quai ou d’une jetée, pour capturer dans la fugacité de l’instant ce qui renouvelle indéfiniment l’immuable bord de mer. Dans ses toiles, les êtres humains ne sont représentés que par quelques signes noirs, tracés du bout du pinceau au premier plan.
Fauve structuré, il accorde dès ses débuts une grande attention à la manière dont il construit sa composition, ne cédant jamais à la tentation de la couleur pour la couleur. Une fois refermée la porte du salon de 1905, Marquet demeurera loin du tumulte des avant-gardes et de la guerre (il est réformé en 1914). Il conservera jusqu’ à la fin de sa vie un style très personnel, fait de clarté et d’imprécision, avec des plans nettement délimités par une touche elliptique qui ne s’encombre pas de détails. Les marines de Marquet ne sont pas bavardes.
Outre les fameuses vues de port, où les navires amarrés cassent par leurs mâts dressés la succession horizontale des plans, Marquet a régulièrement recours à des compositions en forme de pince ou de virgule, qui lui permettent de donner une forme à l’infini contenant qu’est l’océan. Dans Venise, la voile jaune (1936), il accompagne l’incurvation du Canal de la Giudecca par la progression de trois voiliers, à l’identique voile d’or, répétition du même qui crée l’illusion du mouvement au sein de la toile. Dans La baie d’Alger (1923), c’est la langue de terre qui devient méandre, séparant les flots en deux plans, le premier étant laissé en réserve, exhibant le beige de la toile nue, simplement apprêtée, dont couleur d’eau boueuse s’accordait parfaitement à la représentation d’un jour d’orage.
Tempête à la Goulette (1926), fait en revanche appel à un jeu de diagonales contraires s’entrechoquant dans le premier tiers du tableau. Les vagues moutonneuses se heurtent à la frêle digue, dont s’éloigne un passant minuscule. Marquet exploite ici la puissance d’évocation des signes : les croissants d’eau sur la grève sont chassés de la gauche vers la droite, répondant aux rouleaux allongés et aux nuages qui roulent dans le ciel. La chaîne de montagnes bleutées au fond de la toile semble un hommage aux Cent vues du mont Fuji d’Hokusai.
Marquet était tout sauf un touriste. Rouen, Porquerolles, Hambourg deviennent des destinations anonymes, parfois difficiles à identifier. A Venise, le petit tableau qu’il peint depuis l’île San Giorgio Maggiore le montre bien : le cœur symbolique de la cité, que forment le palais des doges, le campanile et la bibliothèque marciana, semble vu à travers une lucarne. Le premier plan est occupé par la belle eau verte de la lagune, dans laquelle plongent deux murs qui guident malgré tout l’attention du spectateur vers la piazza San Marco. Mais Marquet a choisi d’accorder la primauté au reflet de ce mur dans l’eau, qui semble le prolonger à l’identique. Une belle façon de suggérer le caractère amphibie de la cité.
L’exposition présente également des aquarelles, conçues comme des œuvres à part entière plutôt que comme des études préparatoires. Les dessins de Marquet, à la plume et encre de chine ou roseau, dont plusieurs autoportraits pleins d’humour, illustrent, s’il en était encore besoin, ses grandes capacités de synthèse.
La petite salle de dessins est ce que j'ai préféré. Des petits formats de carnet super denses, un régal...
RépondreSupprimerOui, surtt ceux au calame ou les petites aquarelles...Il maîtrisait le bougre!
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