1.
Ce qu’il reste de Méroé, c’est ce nom grec, transcription approximative mais euphonique du Medewe méroïte, qui désigne un territoire mouvant selon que l’on parle de la cité royale, du territoire qui l’entourait – la fameuse « île de Méroé », entre le Nil blanc, l’Atbara et le Nil bleu – ou du royaume dont elle était le centre, du IIIe siècle avant J.-C. au IVe siècle de notre ère.
C’est ce nom qui, roulant dans ses sonorités un écho d’images exotiques et merveilleuses, de candace borgne tenant tête à l’empereur Auguste, du dieu-lion guerrier Apedemak, de pyramides farouches, aux sommets piquants comme des aiguilles, de cités cachées entre les méandres du Nil, parmi les rochers des cataractes, c’est ce nom donné par l’ennemi qui a préservé Méroé de l’oubli, alors que sur les cartes son nom s’effaçait, que la langue et son écriture disparaissaient, que les routes qui y menaient se perdaient dans le désert ou parmi les acacias.
Un nom qui sent la steppe et les bêtes sauvages, l’or, l’ébène et l’ivoire, et plus obsédant encore, les sources du fleuve roi, dispensateur de vie. Comme si découvrir les sources du Nil permettrait de percer un quelconque secret, plusieurs explorateurs en ont remonté le cours, entre herbes vertes et sable jaune, de massifs granitiques en larges vallées fertiles. Chemin faisant, ils ont aperçu à l’horizon le profil aigu des pyramides de Méroé, de ses nécropoles sud et nord. Le premier à s’arrêter, à marcher dans ce mirage et donc à découvrir Méroé, fut Frédéric Caillaud le 25 avril 1822 : « Qu’on se peigne la joie que j’éprouvai en découvrant les sommets d’une foule de pyramides, dont les rayons du soleil, peu élevé encore sur l’horizon, doraient majestueusement les cimes ! Jamais, non jamais, jour plus heureux n’avait lui pour moi ! »
Mais le royaume de Méroé est aussi le dernier chapitre d’une histoire en trois temps, qui court sur plus de trois mille ans. Au début du troisième millénaire, les sources égyptiennes mentionnent un pays de Yam, centré autour de la ville de Kerma, en amont de la troisième cataracte. L’Egypte le combat ensuite au deuxième millénaire sous le nom de pays de Kouch. Les échanges commerciaux et culturels ne s’en poursuivent pas moins, et s’intensifient même au premier millénaire, quand l’Egypte conquiert le territoire nubien jusqu’à la troisième cataracte. Ce phénomène d’acculturation permet aux rois kouchites de revenir sur le devant de la scène au VIIIe siècle avant notre ère : la XXVe dynastie (747-v.656 av. J.-C.), dite des pharaons noirs, se compose de six rois nubiens qui règnent conjointement sur l’Egypte et la Nubie, comme symbolisé fièrement par le double uræus figurant à l’avant de leur coiffe-bonnet. Piânkhy et ses successeurs entendent rétablir l’orthodoxie religieuse et les traditions égyptiennes. Ils introduisent ainsi les pyramides dans les nécropoles nubiennes, ou le tumulus prédominait jusqu’alors. Le culte à Amon revêt dès cette époque une grande importance, qui ne se démentira pas à l’époque méroïtique. Il semblerait qu’Amon sous sa forme criocéphale ait pu être assimilé à un dieu-bélier kouchite, adoré dès la période de Kerma.
Le royaume de Napata (VIIe-IVe siècle avant J.-C.) qui succède à la XXVe dynastie, fait figure d’ancêtre direct du royaume de Méroé. Une des hypothèses avancées pour expliquer le déplacement du centre de gravité du royaume vers le sud est la campagne militaire du pharaon Psammétique II en - 591. Il semble avoir atteint et détruit Napata, tandis que Méroé, moins vulnérable, devenait un refuge. Quoiqu’il en soit, on fait traditionnellement débuter la période méroïtique vers 270 avant J.-C., quand Arkamani Ier fait de Méroé, alors ville provinciale au nord de la sixième cataracte, la nouvelle nécropole royale, peut-être à la suite d’un changement de dynastie. La ville de Napata conserve une grande importance religieuse, tandis que de nouveaux centres émergent. Dès la fin du IIIe avant notre ère, Arnekhamani édifie un temple à Apedemak à Moussawarat es-Soufra, au sud de Méroé. Au Ier siècle après J.-C., le roi Natakamani et la candace Amanitore font construire des temples à Amon et Apedemak à Naga, à Isis à Ouad ben Naga et restaurent les temples d’Amon à Méroé et au Djebel Barkal, cette dernière étant une nécropole royale depuis la XXVe dynastie.
Suite et fin de l'article demain !
Photographies issues de Connaissance des Arts n°681 :
1. Nécropole nord de Méroé.
2. Moussawarat es-Soufra, temple dédié au dieu-lion Apedemak (v. 200-150 av. J.-C.), relief représentant Apedemak donnant le sceptre royal au roi Arnekhamani.
mercredi 25 août 2010
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