dimanche 26 juin 2011

Paranoïa à Lille



Jusqu’au 15 août, la gare Saint Sauveur de Lille accueille une exposition collective sur le thème de la paranoïa. Une série d’installations séparées les unes des autres par des rideaux sombres, une exposition elle-même plongée dans la pénombre : de quoi mettre le visiteur sur ses gardes, l’inciter à la méfiance. Certains ressortiront peut-être persuadés qu’on veut leur peau…

L’installation Physiognomic scrutinizer de Marnix de Nijs, qui marque l’entrée de l’exposition, plante d’emblée le décor : le visiteur passe sous un portail qui analyse les traits de son visage pour les comparer à ceux des 250 personnalités controversées enregistrées, toutes choisies pour leurs actes répréhensibles (revente de drogue, coups et blessures, meurtres, conduite en état d’ivresse…). Quand le visiteur se voit identifié de façon catégorique à Paris Hilton, David Hasselhoff ou à un dealer chilien, il ne peut s’empêcher de protester face au pouvoir absolu accordé à la machine, cette science sans conscience. Cette méfiance vis-à-vis de la machine, de la technologie, est un des axes adoptés par les artistes pour l’exposition, de même que son corollaire, la question de la différence entre l’être humain et la machine.


Antoine Schmitt nous dévoile avec son installation Psychic une machine sans cesse aux aguets, dont les observations sur les faits et gestes des spectateurs sont projetées sur un mur : « Quelqu’un s’approche. Ils sont deux. Ils entrent. Quelqu’un part. » Œil invisible et omniscient, la machine surveille sans relâche.
Dans Vigilance 1.0 Martin Le Chevallier invite le spectateur à se comporter lui-même comme une machine et à se poser en délateur de comportements illicites grâce à de multiples écrans de surveillance reliés à des supermarchés, rues, écoles,… Les êtres humains deviennent des délinquants en puissance.



Mais le surveillant et le surveillé sont-ils si étrangers l’un à l’autre ? Adam Brandejs, avec ses Genpets plus vrais que nature, semble affirmer le contraire. Ces animaux de compagnie sont faits de tissus vivants et meurent si leurs propriétaires les maltraitent. Toutefois ce sont des composant électroniques qui assurent le maintien de leurs fonctions vitales. Dès lors, où se situe la frontière entre le vivant et la machine ?
Si au premier abord le visiteur est tenté de n’y voir qu’une interrogation relevant du domaine de la science-fiction, il pourrait bien changer d’avis en découvrant l’installation de Frederik de Wilde & LAB[AU]. Elle explore l’électro-perception d’espèces de poissons d’Amazonie et d’Afrique Occidentale, vivant dans des milieux où la vue et l’ouïe ne leur sont pas d’un grand secours pour se diriger. A quatre aquariums en miroir sans tain sont reliés des antennes raccordées à des haut-parleurs, qui absorbent les décharges électriques et les transforment en son. Sous chaque aquarium une ampoule s’éclaire plus ou moins intensément en fonction des signaux de communication émis par les poissons, qui deviennent ainsi visibles et audibles.
Eduardo Kac continue de brouiller les frontières, entre espèces cette fois, avec une nouvelle forme de vie créée grâce à la biologie moléculaire : l’Edunia combine l’ADN du Pétunia et celui de l’artiste, exprimé uniquement dans les veines rouges des pétales. A moins que cette ultime prouesse ne soit qu’un mensonge destiné à endormir la vigilance de l’homme envers la machine, indispensable auxiliaire des avancées scientifiques. « Quelqu’un s’approche. Ils sont deux. Ils entrent. Quelqu’un part. ».

Paranoïa.

Photographies des abords de la Gare Saint-Sauveur.

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